LOT 017

1924 - 2010
Américain

Incresent
acrylique sur toile
au verso signé, titré, daté 1982, inscrit «Hang exactly level from hooks» et étampé André Emmerich Gallery, New York
20 3/4 x 89 1/4 po, 52.7 x 226.7 cm

Estimation : 100 000 $ - 150 000 $ CAD

Vendu pour : 103 250 $

Exposition à :

PROVENANCE
André Emmerich Gallery, New York
Gallery One, Toronto
Une importante collection privée, Montréal

EXPOSITION
Gallery One, Toronto, Kenneth Noland, 10 décembre 1988 – 4 janvier 1989


Peint en 1982, Incresent de Kenneth Noland est un exemple important de la série de toiles asymétriques que l’artiste a produite à la fin des années 1970 et au tout début de la décennie suivante. Ces tableaux élancés et de forme irrégulière rappellent les peintures de Noland des années 1960 par leur technique, avec leur pureté de couleur appliquée en fines couches rapidement absorbées par la toile brute. Cette technique du soak-stain (coloration par imprégnation) lui a été inspirée par Helen Frankenthaler que le critique d’art Clement Greenberg a fait découvrir à Noland et à Morris Louis en 1953 lors de la première de leurs nombreuses visites à l’atelier.

La méthode de coloration préméditée de Noland rend impossible toute modification ou révision ultérieure, car la couleur et la toile ne font plus qu’un, elles sont indissociables. Cette technique, adoptée par Noland, lui permet d’éliminer les derniers vestiges de l’esprit pictural des expressionnistes abstraits, ce qu’il réalise dans Incresent de deux manières distinctes. D’abord, les coups de pinceau qui animaient généralement la surface d’une peinture et détournaient l’attention de la pureté de chaque couleur ont disparu. Ensuite, la surface de sa peinture élimine toutes les qualités texturales pour ne laisser que la couleur qui semble intimement liée à la surface de la toile.

Noland était un membre clé de la Color School de Washington, un groupe d’artistes abstraits constitué à la fin des années 1950 qui a été défendu par Greenberg. Les idées et l’art de Noland ont été introduits au Canada lorsqu’il a été invité à diriger l’atelier d’artistes d’Emma Lake Workshops en 1963. Ils ont également été révélés lors de l’exposition Post-Paintterly Abstraction à l’Art Gallery of Ontario en 1964 et des expositions individuelles qui lui ont été consacrées durant vingt ans, d’abord à la galerie David Mirvish puis à la Gallery One. Ses peintures ont rapidement été acquises par des collections publiques du Canada, notamment celles du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée des beaux-arts de l’Ontario et du Musée des beaux-arts du Canada.

Noland a élargi la nature objective de la peinture avec ses toiles façonnées et leurs incroyables aplats de couleurs. Les différences de contraste de part et d’autre des teintes assemblées créent l’illusion optique d’un dégradé de couleurs, augmentant ainsi les possibilités pour une même couleur d’être perçue différemment selon ce qui l’entoure. Les zones de couleur deviennent progressivement plus importantes dans Incresent. Ce mot qui évoque increment (qui signifie « augmentation ») semble se matérialiser devant nous, car la zone centrale mauve gonfle, s’épaissit pour gagner en taille et occuper plus d’espace. L’artiste repousse les limites matérielles et conceptuelles de ces tableaux comme s’il s’agissait de sculptures, d’objets tridimensionnels, comme l’explique Noland en 1977 :

Il m’a fallu travailler avec des types de symétrie radicaux, non seulement un rectangle, mais aussi un losange, ainsi que des extensions extrêmes de la forme, avant d’en arriver à l’idée que tout est déséquilibré, que rien n’est vertical, rien n’est horizontal, rien n’est parallèle. J’en ai conclu que le déséquilibre possède son ordre propre. D’une manière particulière, il peut finir par donner l’impression d’être symétrique.[1]

L’héritage de Noland en tant que pionnier de l’art abstrait américain est indéniable, et ces toiles façonnées des années 1980 représentent l’aboutissement d’une exploration de toute une vie de ce qu’il considérait comme des éléments égaux, à savoir la couleur, la forme et le dessin. Il était, selon Karen Wilkin, l’« un des grands coloristes du XXe siècle ».[2] Les peintures de Noland révèlent « la puissance de la couleur, enracinée dans la conviction que les relations entre les teintes, comme la musique, remuent directement et sans paroles nos réserves émotionnelles et intellectuelles les plus profondes ».[3]

Nous remercions Gary Dufour, professeur associé à l’Université d’Australie occidentale, qui a rédigé l’essai ci-dessus. Spécialiste de l’art moderne et contemporain, Gary Dufour a été conservateur principal à la Vancouver Art Gallery (1988-1995) et conservateur en chef et directeur adjoint de l’Art Gallery of Western Australia (1995-2013).

1. Cité dans Diane Waldman, « Color, Format and Abstract Art », Art in America, vol. 65, no 3, mai 1977, p. 100 [traduction libre].

2. Cité dans William Grimes, « Kenneth Noland, Abstract Painter of Brilliantly Colored Shapes », New York Times, 6 janvier 2010 [traduction libre].

3. Karen Wilkin, « Kenneth Noland », The Paris Review, n° 149 (hiver 1998), p. 236 [traduction libre].


Estimation : 100 000 $ - 150 000 $ CAD

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens


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