LOT 037

OC
1946 -
Canadien

Diagonal Composition II
diapositive cibachrome dans caisson à lumière fluorescente
au verso titré, édition 4/8 et daté 1998 sur une étiquette
25 x 29 1/2 x 5 1/2 po, 63.5 x 74.9 x 14 cm

Estimation : 100 000 $ - 150 000 $ CAD

Vendu pour : 121 250 $

Exposition à : Heffel Toronto – 13 avenue Hazelton

PROVENANCE
White Cube, Londres, 2009
Collection privée, Toronto

BIBLIOGRAPHIE
Rolf Lauter, éditeur, Jeff Wall: Figures & Places: Selected Works from 1978 - 2000, 2001, mentionné pages 51 et 53, reproduit, non paginé
Michael Fried, Why Photography Matters as Art as Never Before, 2008, page 72, reproduit page 53


On ne saurait trop insister sur l’importance des photographies de Jeff Wall sur la scène de l’art international, tant aujourd’hui qu’au cours des dernières décennies. La réputation de cet artiste canadien, l’un des plus analysés et des plus célébrés de tous les temps, n’est plus à faire. Il innove constamment dans le domaine de la photographie et s’intéresse de près au rôle de l’art dans la société. Il s’efforce de voir ce que la photographie est et ce qu’elle pourrait être. Il a expliqué un jour : « L’image historique que je veux créer reconnaît la complexité des expériences qui s’imposent à nous chaque jour en développant des relations avec le passé. »

Une de ses stratégies, exposée dans Diagonal Composition II, consiste à entrer en conversation (plutôt qu’en compétition) avec des œuvres d’art et des artistes importants du passé, en particulier les « pères » du modernisme comme Édouard Manet, dont le tableau révolutionnaire Un bar aux Folies Bergère (1882) que Wall a remis en scène dans les années 1970 et reproduit sur une photographie Cibachrome rétroéclairée de grand format intitulée Picture for Women (1979). Il a commencé à utiliser cette technologie du « monde réel » empruntée à la publicité en 1978, tirant parti de la luminosité de l’image et, souvent, de sa taille imposante. Comment l’œuvre Diagonal Composition II, plus modeste et de format plus petit, se compare-t-elle aux essais photographiques plus spectaculaires de Wall ?

De prime abord, l’œuvre nous désoriente, mais nous finissons par comprendre que la photo a été prise à partir d’un angle vertical élevé. On y voit le coin d’une pièce peu attirante dont l’évier, le mur et le comptoir semblent rivaliser d’attention pour attirer de mauvais traitements. À la différence de Picture for Women et de la plupart des œuvres de Wall, il n’y a pas ici de récit clair, mais l’image rétroéclairée dégage une impression inattendue qui nous invite à l’observer de plus près, car, justement, il n’y a « rien à voir ». Au fil de notre observation, nous sommes séduits par les couleurs vives, les textures contrastées et, en général, la matérialité des choses. Pourquoi regarder ? Parce que l’image traite de notre regard sur le quotidien, elle nous invite à enregistrer le processus au lieu de transpercer la photographie pour y voir une histoire.

De manière inattendue, plusieurs aspects de Diagonal Composition II l’associent à la façon dont Wall examine de manière continue la puissante tradition de la peinture occidentale moderne. Peut-être l’œuvre fait-elle référence, par un simple coup d’œil, à l’enchaînement de matériaux fondamentaux pour le cubisme synthétique. De manière plus convaincante, tant par son titre que son apparence, la photographie entre en dialogue avec l’art abstrait occidental, en particulier celui du début du XXe siècle. Dans ce contexte, le sujet lui-même n’était pas toujours primordial. Wall aurait pu intituler son œuvre In My Studio Basement, mais ne l’a pas fait. Au lieu de cela, un courant de la théorie moderniste de l’abstraction prétend que les images fournissent leurs propres points de référence internes. Il s’agit, dans ce cas, d’interactions entre la couleur, la texture et la composition. Même sans connaître le titre laconique, mais néanmoins prépondérant, nous nous mettrions à chercher des diagonales, et nous les trouverions. L’angle le plus porteur de sens est probablement celui du point de vue surélevé, qui inscrit la présence du photographe comme témoin de cette scène. Bien entendu, les tableaux abstraits sont connus pour avoir des titres neutres, comme ici, et pour figurer dans des séries numérotées apparemment aléatoires, suggérant que le spectateur regarde ce qui lui est présenté, et non une narration hors de l’image.

Diagonal Composition II occupe une place importante dans la carrière de l’artiste puisque sa composition est relativement peu orchestrée (à preuve, il qualifie ce type de photographie de « documentaire »), une différence spectaculaire par rapport à la pratique caractéristique de Wall qui consiste à recréer des scènes en faisant poser des acteurs et à les manipuler numériquement (il qualifie ses compositions de « cinématographiques »). Pourtant, il a réalisé trois versions de cette nature morte entre 1993 et 2000, remarquant et soulignant des variations. Même cette scène de négligence devient « esthétique » dans la mesure où il s’agit d’un choix conscient et, ironiquement, d’une présentation dramatique. L’artiste allume la lumière, littéralement et métaphoriquement.

Nous remercions Mark Cheetham, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Toronto, pour avoir rédigé l’essai ci-dessus. Cheetham est l’auteur de deux livres sur l’art abstrait : The Rhetoric of Purity: Essentialist Theory and the Advent of Abstract Painting et Abstract Art Against Autonomy: Infection, Resistance, and Cure since the 60s.


Estimation : 100 000 $ - 150 000 $ CAD

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens


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