LOT 011

CC QMG RCA
1904 - 1990
Canadien

Le petit matin
huile sur toile
signé et daté 1968 et au verso titré
21 1/4 x 53 1/4 po, 54 x 135.3 cm

Estimation : 250 000 $ - 350 000 $ CAD

Exposition à : Heffel Vancouver

PROVENANCE
Acquis directement de l’artiste par une collection privée, Toronto, novembre 1968
Par filiation à la collection privée actuelle, Toronto

BIBLIOGRAPHIE
Forces (Hydro-Québec), no. 10, 1970, reproduit


Le passage du temps est un thème de prédilection chez le peintre Jean Paul Lemieux. Il y revient sans cesse au cours de sa période de maturité, dite classique (1956 à 1970) : le temps du souvenir, le temps des âges de la vie - l’enfance, la maturité, la vieillesse - le temps des heures du jour, le temps en mouvement, etc. Rappelons-nous des célèbres tableaux où Lemieux se représente enfant dans les jardins de l’hôtel Kent House sur le promontoire des chutes Montmorency près de Québec. C’est là qu’il découvre la peinture en 1910. Les temps de la vie humaine sont chez lui une source inépuisable d’inspiration.

Lemieux est aussi animé par les temps successifs du jour dont il traduit avec soin les sensations profondes que procurent les lumières diurnes et nocturnes dans l’espace nordique de son pays. L’artiste est attentif aux effets du temps sur l’espace qui nous entoure dans de nombreuses scènes telles Le visiteur du soir, 1956 (MBAC) et Le train de midi (MBAC) ou encore La mort par un clair matin, 1963 (MNBAQ) et le nocturne Orion, 1968 (coll. particulière). L’heure du jour est principalement associée à un ou à des personnages. La peinture paysagiste de Jean Paul Lemieux est éminemment humaniste.

L’apparition sur le marché de Le petit matin, peint en 1968, rappelle que tout n’a pas été dit sur la remarquable production classique du peintre. L’œuvre est restée à l’abri des projecteurs pendant plus d’un demi-siècle chez le premier collectionneur torontois qui l’a acquise. La seule incursion dans la sphère publique qu’on lui connaisse est une reproduction dans la revue québécoise Forces en 1970. En revanche, l’histoire de sa provenance est fort bien documentée à la faveur du récit de sa rencontre avec l’artiste qu’a relaté avec émotion le collectionneur. Cela se passait au début de novembre 1968, dans l’atelier de Québec. [1]

Il nota que Lemieux lui confia qu’il aurait pu intituler cette œuvre The Hunter, mais qu’il avait préféré l’expression typiquement française « petit matin » pour mettre de l’avant les effets du jour aux premières lumières de l’aube: « He said that Petit Matin was difficult to translate into English […] that is used in French very often because it is a sight that you see. » Et de poursuivre en citant l’artiste: « The only way you can express it is by saying you feel the quietness. You just see the light breaking. It just shimmers through the trees. There is a bit of breeze that just causes the trees to pull a little. It is a very quiet time. It is the time the trappers get out to their traps in the winter [...] they have to walk miles and miles of traps. »

Dans ce paysage serein du petit matin, le ciel est teinté de couleurs pastel que le peintre a appliquées avec finesse au moyen de légers coups de pinceau superposés. La lumière filtre à travers les arbres dénudés bercés par la brise. Le plan de neige immaculée est parsemé de nuances bleutées qui miroitent sous le ciel changeant. Chaudement emmitouflée, la figure du premier plan fait dos à cette nature sauvage à l’heure où le jour s’illumine. Le peintre l’a rendu énigmatique en le plaçant à contre-jour et dans la froidure de l’aube en ne lui attribuant aucun indice pour mieux le définir. Par chance, le récit du collectionneur clarifie le mystère: « M. Lemieux envisioned the hunter carrying a gun but he didn’t get it into the painting. The hunter is there to give this solitary feeling – the person is alone. » Et Lemieux de poursuivre: «We are all alone… all of us – even though we are communicating with people – we are alone ».

En 1968, année de l’exécution de Le petit matin, Jean Paul Lemieux est âgé de 64 ans. Reçu membre de l’Académie royale des arts du Canada (RCA), il est nommé Compagnon de l’Ordre du Canada (CC). En 1967, son œuvre avait participé aux festivités du centenaire de la Confédération canadienne avec une première grande rétrospective de 108 tableaux organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal laquelle circula au Musée du Québec (aujourd’hui MNBAQ) et au Musée des beaux-arts du Canada. L’année 1968 accueille également la première monographie de Guy Robert sur cet artiste singulier dont l’œuvre rayonne au Canada et à l’étranger depuis sa ville natale Québec.

Nous remercions Michèle Grandbois, auteure de Jean Paul Lemieux au Musée du Québec, d'avoir rédigé le texte ci-dessus. Cette œuvre sera incluse dans le prochain catalogue raisonné de l'artiste actuellement en préparation par Michèle Grandbois.

1. Les citations dans ce texte proviennent du tapuscrit de cinq pages rédigées par le collectionneur après sa visite chez Jean Paul Lemieux le 7 novembre 1968. Je remercie chaleureusement la succession d’avoir accepté de partager cette précieuse documentation.


Estimation : 250 000 $ - 350 000 $ CAD

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens


Bien que nous ayons pris soin d’assurer l’exactitude de l’information publiée, des erreurs ou omissions peuvent se produire. Toute enchère est soumise à nos modalités et conditions de vente. Les enchérisseurs doivent s’assurer qu’ils sont satisfaits de la condition du lot avant d’enchérir. Les rapports de condition sont disponibles sur demande.